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LE DEUIL, UNE PROFONDE AFFLICTION.

Posté le mardi, 4 juin, 2024

Le décès d’un proche conduit à une profonde affliction se manifestant par différentes réponses émotionnelles et somatiques. L’objectif du processus de deuil est une cicatrisation psychique de la rupture des liens avec le défunt afin d’être disponible pour de nouveaux liens affectifs.

Toute rupture de lien affectif nécessite d’en faire le deuil. Bowlby et Parkes (1) ont décrit 4 phases variables selon les individus.. La sidération initiale est suivie d’une phase de languissement et de recherche du défunt.  L’acceptation de la disparition définitive est un tournant décisif avec parfois une aggravation de l’impuissance et du désespoir et secondairement une réorganisation de la vie avec régression progressive des accès de tristesse, ouverture à la faculté de pardonner, retour du sens de la vie et d’une certaine sérénité.

Le deuil est un facteur de stress majeur et prolongé pouvant susciter des réactions somatiques (agitation, épuisement, troubles du sommeil, troubles de l’appétit et modifications du poids, infections par déficit immunitaire, etc.) ainsi que de vives réactions émotionnelles (douleur profonde, angoisse, impuissance, dépression, désespoir, colère, culpabilité, plaintes somatiques multiples mimant parfois celles du défunt, émotions mixtes entremêlées de soulagement notamment en cas de souffrances antérieures du défunt, etc.). Ces émotions évoluent souvent par vagues successives avec des teintes variables dans le temps et en fonction de la brutalité du décès, du degré d’attachement au défunt notamment s’il s’agit d’un enfant. L’entourage social est d’une importance capitale dans ces moments de détresse où l’endeuillé semble totalement abandonné. Le fait d’avoir assisté au décès survenu dans un contexte traumatique d’une agression, d’une perte d’enfant par fausse-couche, d’une agonie en état de détresse, peut également compliquer le deuil d’un état de stress post-traumatique.

Le type d’attachement interfère avec le deuil. Le deuil d’un être proche est toujours un séisme mais la survie des personnes sécures n’est nullement remise en question comme cela peut être le cas des personnes insécures. Le deuil des personnes insécures anxieuses est souvent difficile et prolongé car elles se sentent abandonnées. Les personnes détachées semblent moins affectées émotionnellement et plutôt enclines à établir de nouveaux liens. Les personnes désorganisées présentent souvent de fortes réactions anxieuses, dépressives et de recours à l’alcool ou aux médicaments.

Le deuil consiste à se détacher des liens positifs tissés avec le défunt et à les intégrer en souvenirs positifs dans notre identité personnelle. Mais qu’en est-il d’éventuels liens négatifs d’indifférence, d’abus, d’emprise, de trahison, de culpabilisation, notamment de la part des parents ou d’un conjoint? La disparition du défunt ne règle pas les conflits restés en suspens. Parfois ces conflits empêchent toute possibilité de faire le deuil ou alors le compliquent sérieusement. Il est impressionnant de voir, en interrogeant les gens, le nombre de deuils qui restent en suspens. L’incapacité de faire un deuil nous amène à vivre dans un clivage entre le monde réel où le défunt n’est plus et un monde virtuel où le deuil n’est pas possible. Comment faire le deuil d’une personne qui m’a abusé? Comment faire le deuil d’un parent pour un enfant alors que la survie de l’enfant dépend de la présence du parent? Comment faire le deuil d’un enfant en puissance perdu au stade d’embryon ou de fœtus ? Très rapidement l’imprégnation hormonale d’une grossesse s’inscrit dans le cerveau de la femme enceinte qu’elle en soit consciente ou non. L’absence de cérémonie après une perte de grossesse risque de conduire à un mal-être que la société essaie de prévenir en favorisant la reconnaissance du traumatisme des fausses couches. Si les femmes peuvent disposer d’une oreille attentive, beaucoup d’entre elles exposent la souffrance d’une perte de grossesse dont le deuil n’a pas pu être fait. Il est essentiel qu’elles puissent se détacher complètement de cet enfant en puissance perdu pendant la grossesse pour reconnecter pleinement avec la réalité et être entièrement disponibles pour l’attachement aux autres enfants.